« l’Archipel du goulag » version Poutine?

Publié: 24 septembre 2013 par Page de suie dans Articles
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Ou le retour des Zeks?

Dans une lettre ouverte publiée par le Guardian, Nadezhda Tolokonnikova, une des Pussy Riot, condamnée l’année passée à deux ans de travaux forcés pour « hooliganisme et blasphème », décrit ses conditions de détention au camp de travail pour femmes en Mordovie, le tableau qu’elle en dresse nous fait penser aux descriptions de ce qu’étaient les goulags du petit père des peuples…

Je commence le lundi 23 septembre une grève de la faim. C’est une pratique extrême mais je suis convaincue que c’est la seule solution qui s’offre à moi pour sortir de ma situation actuelle. L’administration pénitentiaire refuse de m’écouter. Mais, en échange, je refuse de me plier à ses exigences. Je ne resterai pas silencieuse, à regarder mes camarades prisonnières s’effondrer à cause de la fatigue engendrée par les conditions proches de l’esclavage que nous subissons. J’exige que l’administration pénitentiaire respecte les droits humains, j’exige que le camp de Mordovie fonctionne dans le respect de la loi. J’exige que nous soyons traitées comme des êtres humains et non comme des esclaves.

Cela fait un an que je suis arrivée à la colonie pénitentiaire n°14 dans le village de Parts, en Mordovie. J’ai commencé à entendre parler des colonies pénitentiaires de Mordovie alors que j’étais toujours détenue au Centre n°6 avant mon procès, à Moscou, avec les prisonniers qui disaient tout le temps: “Ceux qui n’ont jamais été emprisonnés en Mordovie n’ont jamais été emprisonnés du tout”. Ils ont les niveaux de sécurité les plus élevés, les journées de travail les plus longues et les violations de droit les plus flagrantes. Quand ils vous envoient en Mordovie, c’est comme s’ils vous conduisaient à l’échafaud. Jusqu’au dernier moment, elles continuent d’espérer: “Peut-être qu’ils ne vous enverront pas en Mordovie après tout ? Peut-être que ça va se calmer ?” Rien ne se calme, et à l’automne 2012 je suis arrivée au camp, sur les bords de la rivière Partsa. »

« J’ai été accueillie par ces mots du chef de la colonie pénitentiaire le lieutenant-colonel Kupriyanov, qui, de facto, est l’administrateur en chef de notre colonie: “Concernant la politique, vous devez savoir que je suis staliniste”. Le colonel Kulagin, l’autre chef de l’administration – la colonie est dirigée en tandem – m’a convoquée le premier jour avec pour objectif de me forcer à confesser ma culpabilité. “Un malheur vous est arrivé, n’est-ce pas ? Vous avez été condamnée à deux ans dans la colonie. Les gens changent d’avis normalement lorsque de mauvaises choses leur arrivent. Si vous voulez être en liberté conditionnelle dès que possible, vous devez avouer votre culpabilité. Si vous ne le faites pas, vous ne serez pas mise en liberté conditionnelle”. Je lui ai dit directement que je ne travaillerais que les huit heures imposées par le code du travail. “Le code est une chose – ce qui importe réellement est de remplir votre quota. Si vous ne le faites pas, vous faites des heures supplémentaires. Vous devez savoir que nous avons brisé des volontés plus fortes que la vôtre”, m’a répondu Kulagin. »

Voici quelques unes des règles de détention en vigueur au camp n°14 :

« Afin de maintenir discipline et obéissance, il existe un système de punition officieux. […] Les prisonnières perdent leurs « privilèges hygiéniques » – le droit de se laver et d’utiliser les toilettes –  et leurs « privilèges de restauration » – interdit de manger sa propre nourriture ou ses boissons ». (l’obligation légale de fournir des protections périodiques aux détenues ne date que de 1999…)

 « Ma brigade travaille dans l’atelier entre 16 à 17 heures par jour. De 7 h 30 du matin jusqu’à minuit et demi. Au mieux, nous dormons quatre heures par nuit. Nous avons une journée de repos tous les mois et demi » […] Rêvant seulement de dormir et de boire une gorgée de thé, la prisonnière exténuée et sale devient du mastic dans les mains de l’administration, qui nous voit seulement comme de la main d’œuvre gratuite. En juin 2013, mon salaire fut de 29 (29 !) roubles (0,67 €) par mois. Notre brigade coud 150 uniformes de police par jour. Où va l’argent qu’ils récoltent avec ?

...entre 16 à 17 heures par jour. De 7 h 30 du matin jusqu'à minuit et demi!

…entre 16 à 17 heures par jour. De 7 h 30 du matin jusqu’à minuit et demi!


Où ont voit que le système des « kapos » est toujours de mise sous toutes les latitudes…

« Certaines sont battues. Ils les frappent dans les reins, dans la figure. Les prisonnières elles-mêmes donnent les coups, aucune blessure n’a lieu sans le consentement ni l’approbation de l’administration. Il y a un an, avant que j’arrive, une Tzigane […] a été battue à mort. L’administration a pu couvrir ce décès. La cause officielle de la mort est un « accident vasculaire cérébral ». Dans une autre unité, une couturière qui n’avait plus la force de poursuivre a été déshabillée et forcée à coudre nue. On est surveillées de très près, y compris par les détenues faisant office d’agent et de mouchard auprès de l’administration et qui devront rendre compte de nos moindres faits et gestes« 

Outre les tortures et supplices corporels, Nadejda Tolokonnikova détaille des blocs insalubres, et un manque d’hygiène sciemment organisé par le pouvoir dans le but de briser… 

« Les conditions d’hygiène au sein du camp sont pensées pour faire sentir à chaque prisonnière qu’elle est un animal sale et dégoutant, privé de tout droit. Bien qu’il y ait des « pièces d’hygiène générales » dans les dortoirs, il y aussi une « salle d’hygiène générale » utilisé dans un but punitif. Cet endroit a une capacité de cinq personnes, mais les 800 prisonnières y sont envoyées pour se laver. Nous n’avons pas le droit de faire notre toilette dans nos dortoirs – ce serait trop facile. » Nous sommes autorisées à laver nos cheveux une fois par semaine. Cependant, même ce jour-là peut être annulé. Une pompe cassera ou la tuyauterie sera coupée. A un moment, mon unité n’a pas pu se laver pendant deux, voire trois semaines. Quand la tuyauterie tombe en panne, nous nous faisons éclaboussées par de l’urine et des déjections sortent de la pièce d’hygiène. Nous avons appris à déboucher les tuyaux nous-mêmes mais nos succès ne durent pas – les tuyaux sont vite à nouveau bouchés. Comme punition, ils peuvent aussi donner aux prisonnières du pain rassis, du lait tourné, du millet oxydé et des patates pourries. Cet été, ils ont apporté des sacs de petites patates noires en vrac qu’ils nous ont données en guise de nourriture.

Si aucune dénonciation n’a filtré, c’est parce que les prisonnières ont peur de leur propre ombre, la délation et la répression règne en maître, tous les moyens sont employés pour que les incriminations ne s’échappent pas du camp, et que les prisonnières soient réduites au silence.

« Les plaintes ne sortent pas de prison. La seule chance de voir une incrimination aboutir est de se plaindre via un proche ou un avocat. L’administration, mesquine et vengeuse, utilisera entre temps tous les mécanismes possibles pour mettre la pression sur la prisonnière, dont la plainte fera empirer les choses au lieu d’aider tout le monde. Ils pratiquent la punition collective : vous vous plaignez qu’il n’y ait pas d’eau chaude, ils coupent l’eau complètement. Les prisonnières ont peur de leur propre ombre. Elles sont complètement terrifiées ».

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Dans l’espoir que les conditions de détention changent, Nadejda Tolokonnikova s’est tout de même plainte. Des réclamations qui lui ont valu, de recevoir des menaces de mort du directeur adjoint de la prison. Ce qui explique sa décision de commencer une grève de la faim.

« Je refuse de participer au travail d’esclave qui a cours dans ce camp. Je continuerai jusqu’à ce que l’administration respecte la loi et arrête de  traiter les femmes incarcérées comme du bétail, […] jusqu’à ce qu’ils nous considèrent comme des humains ».

L’administration carcérale russe a, – on s’en doute – rejeté ces accusations, et a clamé outrée,  qu’il s’agissait d’un « chantage » pour que la détenue soit affectée à un travail moins éprouvant… On en attendait pas moins de ces descendants de tchekistes!

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Mais qu’en est-il réellement des conditions de « détentions » dans ces goulags poutiniens?
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Ces camps, hérités du Goulag, respectent les grands classiques, ensembles de bâtiments (administration, blocs des détenus, zone de travail forcé…) entourés de palissades, de barbelés et de miradors, souvent adossés à des villages. Des blocs de 100 à 120 femmes, en uniforme, avec leur nom sur la poitrine. Le système pénitentiaire russe prévoit un seul type de détention pour les femmes, le camp à régime ordinaire. La palette est beaucoup plus large pour les hommes : camp à régime ordinaire, à régime sévère, à régime spécial, et prison. Actuellement, 50-60.000 femmes sont détenues dans une quarantaine de camps en Russie.

Comme à la belle époque du goulag?

« Les journées se suivent et se ressemblent », raconte une ex-prisonnière. « On se lève à 5h15, gymnastique, ménage, petit-déjeuner, inspection, travail, inspection, déjeuner, travail, inspection, ménage… » Et cerise sur le gâteau, les prisonnières doivent porter la jupe par tous les temps. « Corvéables à merci », elles doivent travailler dedans ou dehors, qu’il fasse -30°C ou -40°C. (Les détenues portent en effet toutes le même uniforme de couleur verte ou grise, la jupe et le foulard sont obligatoires, les vêtements chauds sont interdits sauf une « veste en coton » vaguement molletonnée qui est donnée pour l’hiver.)

La t° "moyenne" en janvier est de -11° en Mordovie et pas d'autres vêtements que... ça!

La t° « moyenne » en janvier est de -11° en Mordovie et pas d’autres vêtements que… ça! Et une petite veste en coton…

Les détenues qui ont un travail au camp – moins de la moitié – gagnent 4 à 75 euros par mois. Un salaire ponctionner à la source pour payer la « nourriture et les produits de première nécessité ». Le travail consiste généralement à coudre des uniformes pour l’administration pénitentiaire, l’armée et le ministère de l’intérieur.

Les prisonnières ont le droit de téléphoner, en général une fois par mois, mais la conversation ne peut dépasser 15 minutes. Les Moscovites ne sont pas forcément envoyées dans l’un des deux camps situés dans la région de Moscou, mais peuvent se retrouver à des centaines de kilomètres de là.

Dans ces camps coexistent trois régimes de détention : normal, allégé et sévère.

Le régime normal autorise six visites courtes (jusqu’à 4 heures) et quatre visites longues (jusqu’à trois jours) par an. Les visites longues permettent de se retrouver dans une pièce à part avec son mari ou des parents. La visite de non-membres de la famille peut être autorisée par l’administration.

Le régime allégé, réservé aux détenues bien notées – lire les mouchards et les kapos – , permet d’acheter nourriture et produits de première nécessité sans restriction et autorise deux visites longues supplémentaires.

Le régime sévère est appliqué – pour une période de trois mois – à celles qui ont violé le règlement : consommation d’alcool, de drogue, insulte envers un membre de l’administration, refus d’obéissance ou de « jouer le jeu »… Ces détenues sont isolées des autres, privées de téléphone et de visites, et enfermées dans des cellules d’où elles ne sortent qu’une heure et demie par jour pour prendre l’air.

Les camps sont censés être des lieux de réinsertion. Mais « quand une femme sort du camp, on lui donne 19 euros et un billet de train de troisième classe pour rentrer à la maison ». « Tant pis si elle n’a plus de maison. » En octobre dernier, un gardien d’un camp de femme de la région de l’Amour (Extrême-Orient russe) a été arrêté après la diffusion sur Youtube de vidéos le montrant en train de battre à coups de poing et de coups de pied deux prisonnières.

Des règles de groupe plus destinées à l’humiliation qu’à la rééducation

« Ces camps sont bel et bien des prisons », prévient Lev Ponomarev, grande voix à Moscou parmi les défenseurs des droits de l’homme, qui a créé l’ONG « Pour la défense des droits des prisonniers ».

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Ces colonies pénitentiaires n’ont pas rompu avec les pratiques soviétiques du goulag. Les 750 « camps de travail » répartis à travers toute la Russie, se trouvent d’ailleurs souvent sur les sites des anciens goulags de l’époque soviétique, et s’inscrivent dans une même logique carcérale : éloigner et isoler le détenu, le contraindre à une éprouvante vie en communauté, lui imposer des règles de groupe davantage destinées à l’humiliation qu’à la rééducation. Ces « camps » sont aussi l’un des foyers de reprise de la tuberculose en Russie. Par ailleurs, une hiérarchie interne est mise en place par les matons au sein des prisonnières.

« Bien sûr, ce n’est plus l’époque stalinienne. Des « travaux de modernisation » ont été menés. Mais c’est loin d’être le cas partout. C’est parfois pire que sous Brejnev car, aujourd’hui, il y a beaucoup plus de corruption et beaucoup moins de discipline », s’inquiète Lev Ponomarev, dont l’ONG a aussi dénoncé des cas de torture dans une vingtaine de ces « camps ». « Certaines des pires pratiques héritées des goulags sont par ailleurs encore à l’œuvre », poursuit-il, rappelant « la tradition chez les geôliers de choisir certains prisonniers pour contrôler et punir eux-mêmes leurs camarades en échange de privilèges ».

Nous vivons derrière des barbelés, on nous a tout pris, on nous a séparés de nos amis et de nos familles, mais tant que nous ne participons pas à ce système, nous sommes libres. » Irina Ratouchinskaïa

commentaires
  1. Anonyme dit :

    image de goulags 39-45 ?

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  2. LOL, et ils ont eu l’autorisation de filmer à l’intérieur d’un camp d’où soi-disant rien ne peut sortir? Et en plus, il faudrait qu’on gobe votre minable propagande montée à Hollywood ?
    Cela dit, je ne serais pas contre un petit traitement de ce genre pour les raclures qui gouvernent la FRance : BHL, Hollande, Sarkozy, Kouchner, Fabius, Kouchner… Quelques coups de matraque sur le cul et des chiottes sans PQ, ça leur ferait les pieds à ces ordures.

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